felipe >> failure only happens when you give up

“Allez, baisse toi maintenant!”
Et il obéit. Il devait avoir onze ans lorsqu’il passa la frontière américaine en toute illégalité pour pouvoir regagner Eagle Pass, la ville frontalière la plus proche de Piedras Negras. Là, recroquevillé, il fallait être souple pour rentrer sous ce tout petit espace, en dessous des sièges d’autobus. Mais ils y parvinrent, Felipe et Rosaura, sa mère. De toutes façons, ils n’avaient pas le choix. De l’autre côté, quelqu’un les attendaient et s’ils échouaient, eh bien ils auraient de sacré ennuis. En même temps, s’ils le faisaient, c’était parce qu’ils n’avaient rien à perdre désormais et qu’on leur avait fait miroiter une belle vie, là bas, aux USA. Pour la peine, Felipe avait commencé à apprendre l’anglais. Il n’avait que les bases, lorsqu’il arriva sur le sol américain, mais il se perfectionnera plus tard, et pas qu’un peu. A l’âge adulte, il maitrisera bien la langue et aura à peine un accent. Mais en attendant, il sera recueilli par une famille et devra faire des petits boulots pour gagner de l’argent tout en mentant sur son âge ou son identité. Les boulots au black, pour des gens comme lui, c’était monnaie courante malheureusement. Ou heureusement, en tout cas, c’était son point de vue à lui.


“C’est toi le nouveau que Paulo m'envoie? Huh, je vois! Mouais, tu feras peut-être l’affaire après tout. Il faudra tout de même que je lui dise de cesser de m’envoyer des crevettes!”
Felipe avait détaillé le type qui allait devenir son nouveau boulot. Sa première impression était qu’il ne l’aimait pas du tout. Il dégageait quelque chose de mauvais, malsain, quelque chose qu’il n’aimait pas et sur laquelle il ne pouvait mettre le doigt dessus. Sans doute cette expression dédaigneuse quand il le regardait et lui parlait. Mais voilà, Felipe venait d’arriver à Los Angeles, sous le conseil de celui qu’il considérait comme son tuteur ou le semblant de figure paternelle qu’il avait pu avoir depuis le départ de son père. De plus, sa mère avait donné de sa personne pour lui donner cette vie là, il ne fallait pas anéantir ses efforts pour si peu. Malgré lui, Felipe fit une révérence, se remettant à lui. Peut être que ça n’allait pas être si dur après tout?
Faire le larbin, aucun problème. D’ailleurs, il y arriva si bien qu’il parvint à obtenir l’attention de Ron -c’était le nom de son “boss”- assez rapidement. Il avait essuyé les nombreuses remarques humiliantes de ce dernier à son égard, parce qu’il le fallait après tout. Dans ce club de boxe un peu douteux, il apprit pas mal de chose de Ron. Derrière ses corvées, il pouvait observer religieusement, et comme il était le larbin de service, on ne faisait pas attention à lui. Parce que, il y avait le club de boxe et le club de boxe. Deux parties distinctes. Une partie était le club un peu miteux mais convoité des débutants et habitués, un endroit convivial où tout le monde se rassemblait autour des matchs et où les paris montaient rapidement. Ron se faisait une thune de dingue. Et puis, il y avait l’autre partie. Des affaires plus officieuses ainsi que des combats organisés de façon moins légale. Sans parler d’autres trafics qui s’y produisaient incluant de la drogue ou même de la prostitution. Un endroit chaleureux, en somme, non?
La vérité, c’était que Felipe avait gagné en échelon au fil des années jusqu’à devenir les yeux et les oreilles de Ron. Son cerveau ingénieux et malin avait beaucoup aidé à le sortir de la galère -voir même de lui sauver la vie- au point qu’à force, il avait gagné son entière confiance. Le destin de Felipe, c’était un peu comme Cendrillon, mais du côté de Maléfique.

Lorsque Felipe reprit l’affaire après une retraite anticipée de son mentor, il continua de s’occuper des contrats de petites star de la boxe ou même des amateurs pas trop nuls, mais il mit fin à certains trafics tout en faisant d’autres, sous les doux conseils de son prédécesseur. Il aurait pu espérer mieux comme vie, c'était sûr, mais ça ne lui déplaisait pas finalement. L’argent ne manquait pas et il avait ce goût de vivre dans le contrôle et le risque à la fois, c’était excitant.