Je suis né le 8 mai 1976 à Los Angeles. Deuxième enfants de la famille Holmes, j’ai un grand frère qui s’appelle Arnaud, il avait trois ans à mon arrivée. Nos parents avaient une belle maison, notre père était dans les affaires à ce que j’ai compris, je n’en ai pas de souvenirs il nous a quitté quand j’avais trois ans. Ma mère a hérité de sa fortune, cela dit elle en a distribué la quasi totalité à des œuvres de charité. Elle nous a placé un peu d’argent de côté pour la fin de sa vie, mais elle ne voulait pas que nous ayons tout à portée de main, on devait apprendre la notion du travail et l’importance de l’argent. Ces intentions étaient louables. Elle nous a appris à être indépendant, on s’occupait de notre linge, des tâches ménagères, en contrepartie elle nous hébergeait aussi longtemps qu’on en avait besoin. Je suis resté longtemps avec elle, mes études de médecine et mon boulot à côté me prenait beaucoup d'énergie alors savoir que j’avais un toit sur la tête et un repas en rentrant ça faisait du bien. Le week end en revanche c’est moi qui faisait la cuisine pour qu’elle se repose. On a toujours été proches au sein de notre famille, j’ai pu m’y épanouir assez facilement. A l’époque je me pensais bisexuel et ça n’a jamais posé de problème que ce soit à ma mère ou mon frère.

Les études de médecines n’ont pas été faciles, heureusement j’ai une très bonne mémoire visuelle et ça m’a sauvé la vie à plusieurs reprises. J’ai longtemps fait des livraisons à côté de ça, ça me permettait de faire du sport en même temps, du vélo surtout, j’entretenais mon corps et je travaillais en même temps. Après de longues années et un internat intense, je suis devenu neurochirurgien. Une vraie consécration je dois dire, ma mère était très bien de moi, tout comme mon frère d’ailleurs. Entre temps celui-ci avait fondé sa petite famille et sa femme a mit au monde le petit Conor dont on m’a demandé d’être le parrain. J’en étais très heureux et j’ai bien évidemment accepté. J’étais présent pour eux et je ne manquais pas de pourrir mon filleul de cadeaux à chaque fois que je le voyais. Au fil des années j’ai pris un peu pris la grosse tête, on vous voit un peu comme un dieu quand vous savez sauver les gens. A cette période j’enchainais les succès en termes d'opérations et je me sentais un peu invincible. J’avais une grosse confiance en moi, très imbu de ma personne, plutôt narcissique même. Il n’y a que ma famille qui passait au-dessus de ma personne. Coté relation je dois dire que j’en ai enchainé pas mal, j’ai jamais eu très envie de me poser de ce coté la. Je gagnais très bien ma vie, j’ai même acheté un loft en centre ville. Bref, j’étais assez détestable à l’époque quand j’y repense. Il y a cependant sept ans, la vie m’a fait un beau rappel à l’ordre. Je devais réparer des lésions cérébrales sur un enfant de neuf ans, une opération qui ne prévoyait aucune complication, j’avais l’habitude de le faire. La mère était très inquiète, je lui ai promis au moins dix fois que tout se passerait bien. Sauf que rien ne s’est passé comme prévu. Les lésions étaient plus importantes que prévues, j’aurais dû refermer et faire d’autres scans au lieu de partir à l’aveugle, mais je m’en croyais capable. Vous devinez la suite, ça a été un foirage complet.. Il y a eu une hémorragie cérébrale importante et des dégâts irréversibles. J’ai dû apprendre à cette mère que son fils était cliniquement mort, qu’il ne se réveillerait jamais.

L'hôpital a défendu ses intérêts évidemment, une mauvaise pub ça ne plait pas aux actionnaires. L’impact sur moi a été vraiment important, j’ai repoussé au maximum les autres opérations que je devais faire. J’ai retenté une fois d'opérer, mais ça a été une crise de panique et des tremblements. J’ai démissionné le jour même. Le lendemain je quittais mon loft pour une maison isolée de San Fernando et je n’en suis pas sorti pendant un an. J’ai coupé les ponts avec tout le monde, même ma famille. Je ne passais que par des livraisons à domicile et ça a été une période difficile. Puis un soir j’ai entendu gratter à ma porte, j’ai trouvé un jeune chien de trois mois, il semblait blessé alors le lendemain j’ai pris mon courage à deux mains et je l’ai emmené chez un vétérinaire. A la base je ne devais que le déposer, mais l’idée d’avoir quelqu’un à qui parler c’était pas une si mauvaise idée. Je suis donc revenu avec et il m’a doucement amené à me sociabiliser. On est d’abord sorti dans le quartier et j’ai réappris à voir des gens. J’ai même fini par recommencer à travailler en tant que médecin légiste. Je suis souvent seul dans mon laboratoire, enfin avec des cadavres, mais je dois dire que le calme et la solitude de ce métier me vont bien. J’adore examiner mes patients en écoutant de la musique classique. Il y a quelques semaines j’ai appris la mort de mon frère, une mort violente, un cambriolage qui s’est mal passé. La police m’avait apporté son cadavre ainsi que celui de son épouse pour que je les examine. Évidemment quand j’ai vu son nom j’ai demandé à un collègue de s’en occuper. Ça a été terrible pour moi d’apprendre qu’il était mort. Notre mère nous avait quitté elle aussi quelques années auparavant, il n’y avait plus que moi. Enfin pas tout à fait.. Les services sociaux m’ont appelé pour me dire que j’étais le seul tuteur légal de Conor, mon filleul. Je ne voulais pas le laisser partir en foyer et je culpabilisais tellement de ne pas pouvoir reparler un jour à mon frère que j’ai accepté de le prendre avec moi. J’allais peut-être pouvoir réparer les dégâts que j’avais fait aussi dans notre relation à nous. Je ne suis pas très à l’aise pour l’instant, on doit prendre nos marques.