Eh… je peux tout expliquer ? ▬ ft. Mathias Williams

Nous sommes dimanche et autant le dire, la journée n’a pas commencé dans le calme, comme j’aime débuter la fin de semaine. Pour une fois dans ma vie, j’ai dormi tard après ne m’être couché qu’à l’aube. Il est donc midi et soudain, un truc baveux m’appuie sur la joue. Quand je grogne, le truc non identifié glousse et recommence de plus belle quand soudain… le drame. Un cachalot saute sur le lit et décide de m’utiliser comme trampoline.

— PAPAAAAAAA ! Debout, debout, debout ! J’ai faiiiiiiiiiiim !

Ha. Pas un cachalot donc… juste Astrée qui a fait preuve d’une patience incroyable pour ne venir me réveiller qu’à… 12h13. Les yeux encore un peu collé, je me redresse soudain en réalisant quelque chose : j’avais rendez-vous avec mon frère, Mathias, pour manger !

— Merde ! On est en retard ! que je lâche et aussitôt, Astrée plaque ses mains sur sa bouche et répète à tue-tête que j’ai dis un gros mot. Pas le temps de m’en horrifier cela dit. Je dois nous rendre prêt et présentable avant que Mathias arrive. J’ai quand même promis que je faisais le repas et que, vu le beau temps prévu, nous pourrions nous installer dans le jardin. Dire que d’habitude, je suis debout à l’aube… ma famille ne va pas me louper s’ils apprennent que j’ai tout préparé dans le rush.

Comme s’il sentait mon angoisse, Astrée décida de se comporter comme un vrai démon. Ou alors, il se vengeait de ne pas avoir eu son petit-déjeuner et sa session dessins animés. Je ne vois que ça pour que, au moment où l’on sonnait à la porte, je sois encore en train de courir après un petit gars refusant de mettre ses habits. Dépité, je me retrouve à hésiter entre aller ouvrir la porte ou tenter d’attraper Astrée. Hélas, alors que j’allais l’avoir cette fois, le petit bonhomme passe sous mes bras tendus. J’abandonne. Surtout qu’on frappe à nouveau.

— J’arrive. Deux minutes !

J’ai l’air de sortir d’une tornade quand j’ouvre la porte. Sur les quelques quinze minutes depuis mon réveil, je n’ai eu que le temps d’enfiler rapidement des habits et là, mon frère est ponctuel. Il est là et aussi classe que d’habitude. J’envie son look et sa personnalité depuis des années. À l’adolescence, je n’aspirais qu’à avoir un dixième de la personne qu’il est. Entre temps, je me suis rendu à l’évidence. Ça n’arrivera pas.

— Mathy ! Entre, entre je t’en prie. J’suis désolé, le repas est pas encore prêt… j’me suis laissé déborder ce matin… que j’admets, penaud, et Astrée choisit se moment pour arriver. Au moins, il a enfilé un slip Bob l’éponge, on progresse.
— Tonton Mathy ! Et bah que papa il vient que de se réveiller ! Faut le gronder ! J’ai faim !

Mais… mais quelle balance ! La bouche ouverte en un ‘o’ parfait, je relève un regard paniqué vers Mathias. Autant pour faire passer ma nuit à rallonge incognito. Enfin, mon frère me connaît, il se doutera sans doute que pour me voir me lever si tard, c’est que je ne me suis pas couché de bonne heure non plus au départ. Si la tronche de zombie que je me tire n’est pas un indice suffisant en soi. Dès que ce dossier est terminé, je jure de me prendre de vraies vacances. Une petite semaine par exemple. En plus, Astrée sera content de me récupérer un peu pour lui seul. Il boude en ce moment, à force de me voir travailler aussi après l’avoir ramené de la garderie.

— Je t’ai promis un bon repas mais… ça te va pâtes et jambon au final ? Sinon on ne mangera qu’au goûter ? Oh et si t’arrive à habiller notre petit nudiste au passage, hésite pas à jouer dehors avec lui. Désolé, désolé… j’vais me rattraper. Le reste de la journée ne sera pas aussi chaotique.

J’espère. Je vais en entendre parler longtemps sinon.

Il ne rit pas, mais je devine l’amusement de mon aîné à la découverte de ma trogne dès que j’ouvre la porte. Après tout, on ne grandit pas ensemble sans retenir ce genre de détail. De démon, Astrée redevient un angelot au moment de câliner mon frère et malgré sa traitrise parfaitement honteuse, un sourire fini par orner mes lèvres en les voyant tous les deux. Pire ! Il obéit sans broncher pour aller se préparer et je croise les bras, faussement boudeur avant de darder mon regard sur Mathias. Pourquoi on l’écoute lui, hein ?
— La nuit a été très courte. J’ai tellement de travail en ce moment que… bah… je rogne sur mes heures de sommeil. J’ai ce dossier super urgent pour le boulot. Si je le rend en retard, je risque de foutre l’équipe du site dans la merde…
Bon, je suis aussi très insomniaque de base mais ça, Mathias n’a pas besoin de le savoir. En général, je ne m’endors que les fois où Astrée vient me trouver suite à un cauchemar. Comme si une présence à mes côtés me rassurait. Bah oui… j’ai quand même peur du noir hein… et je ne peux pas dormir avec une veilleuse alors que mon fils a arrêté la sienne en arguant que c’était pour les bébés. Autant me tirer une balle dans le pied. Comme souvent, je me tend légèrement à la main sur mon épaule mais, venant de la famille, je me détend aussitôt et offre un sourire à Mathias. Il est compréhensif, heureusement. 
— T’es pas obligé tu sais ? T’es l’invité… c’est pas très correct. oui bon, vu son regard je n’ai pas mon mot à dire et de toute façon, je pue le tabac froid…dire que j’ai affirmé avoir arrêté de fumer… une douche me fera du bien et me réveillera un peu. Bon… d’accord. Mais je te revaudrai ça, ok ?

Comme deviné, l’eau brûlante me fait du bien. Je préfère quand même sentir le savon que la clope. Même le pantalon de jogging et la chemise propres font du bien. En même temps, trois jours sans se changer, ça commençait à renifler. Astrée sort de sa chambre en même temps que je quitte la salle de bain et demande aussitôt à être porté. Je le serres peut-être un peu plus que d’habitude. Le stress a cet effet sur moi. Je souris en sentant ses petits bras se refermer autour de mon cou et son visage s’enfouir dans ma chemise. Il est mignon, malgré son énergie parfois épuisante. C’est sans doute le seul humain que j’ai la certitude d’aimer de façon totalement inconditionnelle… même avec mes parents et mes frères et sœurs, je ne ressens pas ça.
— T’es un ange, tu le sais ça ? si je devais être invité chez quelqu’un et faire le repas, je ne le prendrais pas si bien. Alors… comment va avec mon beau-frère et les petits ? Tu veux à boire ? J’ai cette recette de cocktail excellente. Avec du multi-fruit et un fond de grenadine !
— Oh oui ! Et qu’il est trop bon l’apéro ! lâche Astrée, sans quitter mes bras. Et du saucisson ! On a du saucisson papa ?
— Oui, espèce de gourmand… va le chercher…
Je secoue la tête en le voyant filer dès que je le pose. J’amène les bouteilles à table et commence à préparer nos verres. Sans alcool, nous montrons le bon exemple à l’enfant de la maison.