| C’est le moment où je vous raconte mon histoire, je vous préviens elle n’a rien de facile. Posons le cadre familial pour commencer. Monteiro. Ce nom ne vous dit peut-être rien ici, au Brésil je peux vous dire que le clan Monteiro en fait trembler plus d’un. C’est un gang qui est surtout implanté à Sao Paulo, à sa tête deux frères. Mon paternel et son frère. Mon père est le plus jeune des deux alors même si je n’est pas vraiment lui qui dirige, ça reste le bras droit et en tant que tel il est peut-être même plus impitoyable que son aîné. Ma mère, elle avait treize ans quand elle a été donnée en pâture, je pense qu’il n’y a pas d’autre mot, à mon père. Il avait jeté son dévolu sur elle et sa famille n’a pas vraiment eu le choix, c’était soit ça, soit il tuait tout le monde. Je pense que ma mère aurait préféré mourir.. Il n’y a jamais eu aucune histoire d’amour là dedans, elle le détestait. A quinze ans elle tombe une première fois enceinte, coup de bol un garçon, moi. Si elle n’avait pas fait un garçon en premier, elle aurait été tuée tout simplement. Je suis donc devenu tous les espoirs de mon père. Deux ans plus tard sont nées mes deux petites sœurs, des jumelles incroyablement mignonnes. Elles n’ont malheureusement eu aucune importance aux yeux de mon père, mais pas grave elles serviront à tenir la maison plus tard et il les donnerait pour forger d’autres alliances. J’étais plutôt proche de ma mère et de mes sœurs, quand notre père n’était pas là, on ressemblait presque à une famille normale, mais dès qu’il rentrait c’était autre chose.. Je ne compte plus les fois où je l’ai vu lever la main sur ma mère et pire encore.. Il se fichait de faire ça devant nous au contraire comme il disait ça nous forgé le caractère. Comme ci voir ma mère hurlait, se faire violer, ça aller me paraître normal parce que lui me le disait. Je suis pas idiot non plus. Je me suis toujours senti coupable de ne pouvoir rien faire pour elle. Ce que je pouvais faire en revanche c’est essayer de protéger au mieux mes petites sœurs de tout ça. J’en ai pris des coups pour leurs bêtises, mais je m’en fichais. La situation ne s’est pas amélioré au suicide de ma mère, ah oui pour info là j’ai seulement six ans ça vous donne une idée de tout ce que j’ai pu traverser au cours de ma vie.
J’ai dû me montrer plus débrouillard quand ma mère nous a abandonnés oui parce que clairement je l’ai ressenti comme ça. Je sais qu’elle a souffert et qu’elle n’en pouvait plus, mais elle nous a laissé aux mains de ce monstre en sachant clairement comment il était. Les jours se ressemblèrent après ça, chaque jour je me demandais si je passerai le suivant. Je suis rentré dans une sorte de survivalisme à essayer de tout faire pour tenir. Je me disais qu’un jour je serais grand et fort et que je pourrais vraiment faire quelque chose contre lui. Les choses se sont encore compliquées quand mes sœurs ont eu six ans, ouai apparemment a cet âge elle commence à réveiller certaines envie chez certains hommes.. Oui je suis comme vous, ça me rend malade personnellement. Mon père cherchait à faire entrer plus d’argent alors il s’est dit tient pourquoi pas faire venir des gars et les laisser jouer avec ces deux petites choses encombrantes. Je crois que je n’ai jamais haïs mon père plus qu’à cette période. Cela dit aucun homme ne les a touchés, j’ai tout fait pour. J’ai dit à mon père que c’est moi qui ramènerait l’argent dont il avait besoin, mais il devait laisser mes sœurs tranquilles. Les années qui ont suivies j’ai essentiellement servi à ça, ramener de l’argent en me prostituant, je peux vous dire qu’on arrête vite d’être un petit garçon dans ce genre de contexte. Je me souviens de plusieurs expériences traumatisantes, mais mon cerveau a occulté une grande partie de cette période qui a duré de mes huit ans à quatorze ans à peu près. En parallèle mon père m’apprenait tout un tas de choses, utiliser une arme, conduire, violer des filles, dépecer des animaux, bref l’éducation de base quoi.
Tout a changé un soir où j’étais avec mon père, j’avais qu’une envie c’était rentré, mes sœurs devaient avoir faim et même si elles se débrouillent plus ou moins seules à présent, je n’aimais pas les savoir sans protection à la maison. J’avais raison, un gang rival en a profité pour mettre le feu chez nous et mes sœurs se sont retrouvées piégées à l’intérieur. Quand on est arrivé tout était en flamme, j’étais anéanti et une partie de moi est morte avec elles ce jour là. Elles étaient toutes ma vie, ma seule lumière dans cet enfer. Le seul point positif à tout ça c’est que plus personne ne m’a touché après ça, j’avais plus personne à protéger alors plus personne n'abuserai de moi. D’ailleurs depuis cette période je ne supporte tout simplement pas que quelqu’un me touche. Je me suis renfermé sur moi-même, je ne parlais plus, je ne mangeais plus, tout ce que je voulais c'était les rejoindre toutes les trois. Je ne sais pas si mon père a eu pitié, mais il a eu l’idée de m’envoyer chez ma tante à Los Angeles pour les vacances, j’avais quinze ans la première fois que j’y suis aller et j’ai découvert un mode de vie tellement différent.. Ça n'a rien à voir avec ce que j’avais vécu à Sao Paulo. Ma tante savait par quoi j’étais passé et elle aurait aimé ne jamais me renvoyer là bas, malheureusement son frère lui laisser pas vraiment le choix. En tout cas, les vacances chez elle sont devenues mes bouffées d’oxygène.
J’y suis retourné l’année suivante et je dois dire que ma vie a pris un tout autre tournant. Ma cousine m’avait amené à une petite fête, J’étais sur la plage non loin du feu de camp quand j’ai posé les yeux sur lui pour la première fois. J’ai jamais vu un homme aussi beau. C’est d’ailleurs ce soir-là que j’ai compris que j’aimais les hommes, je n’ai pas vraiment eu l’occasion de me poser la question au vue de mon passé. J’ai été hypersexualisé pendant longtemps et je ne me suis pas posé la question sur ce que moi j’aimais. Je ne le lâchais pas des yeux et j’ai profité du fait qu’il se soit un peu écarté de son groupe pour aller jusqu’à lui et engager la conversation. Je dois dire qu’il a dû me falloir deux bonnes minutes pour tomber amoureux. Je suis revenu le soir suivant et ainsi de suite, je ne suis pas très fête, mais je voulais juste le revoir. On a passé un premier été magnifique tous les deux, j’ai découvert tout un tas de choses avec lui, la tendresse, la passion. J’avais un peu peur du contact, mais je ne sais pas pourquoi ça ne m’a jamais gêné que lui pose ses mains sur moi, c’était différent et je me suis donné pour la première fois par envie. J’avais beau avoir eu de très nombreuses relations intimes avant, je considère qu’il est ma première fois. Je ne voulais plus repartir et pourtant je n’en ai pas eu vraiment le choix. J’ai gardé contact avec lui par des lettres, parfois des appels, vivre si loin c’était déchirant. Je me tenais à carreau et j'obéissais à mon père dans l’espoir qu’il me renvoit chez ma tante pour les vacances. C’était son moyen de pression sur moi, si tu fais pas ça, tu fais une croix sur tes prochaines vacances. J’en ai fait des choses.. Parfois horribles, mais je voulais le revoir. On a passé un deuxième été ensemble lui et moi, il avait été encore plus parfait que le premier et j’étais vraiment fou de lui. Cette fois j’avais dix huit ans et je me disais que je ne repartirais peut-être pas cette fois. C’était sans compter mon paternel qui avait trouvé les lettres que nous nous étions envoyées. Il m’a dit que si je ne rentrais pas dans la seconde, mon petit ami allait mourir. Ça a été la décision la plus difficile de ma vie. La veille il me disait encore qu’il m’aimait et moi j’ai dû faire mes bagages et disparaître de sa vie pour le protéger. Renoncer à lui, ça m’a véritablement détruit.
Reprendra ma vie à Sao Paulo ça a été difficile, je vous raconte pas ce que j’ai pris en rentrant simplement pour être homosexuel. Je me suis fait tabasser plus d’une fois, mais j’ai appris à répondre devenant plus violent. J’en avais marre qu’on s’en prenne à moi, je n’ai rien fait pour mériter cette vie. C’est à cette période que j’ai décidé de prendre contact avec la police, ils avaient peu de marge de manœuvre sur les activités de ma famille, mais avec mon aide ils pourraient peut-être faire quelque chose. Je connais les noms de tous les infiltrés un peu partout, leurs rôles, le fonctionnement du gang alors j’ai été une mine d’informations. Je savais que je pouvais être découvert et tué, mais je n’en avais rien à faire. Je n’avais plus rien à perdre de toute manière. Ça nous a pris cinq longues années avant que les deux chefs soient arrêtés et envoyés en prison. Histoire qu’on ne sache pas comment ils avaient fait ça, j’ai moi aussi pris une peine de prison, ça aurait été trop facile de savoir que j’avais été la source si je n’avais pas été arrêté avec les autres. J’ai donc passé trois ans derrière les barreaux, de toute manière la prison c’était rien à côté de tout ce que j’avais vécu. Durant tout ce temps ce qui m’a fait tenir c’est l’idée de le revoir un jour, je ne doutais pas du fait qu’il me déteste pour ce que j’avais fait. J’étais quand même parti du jour au lendemain sans aucunes explications. Au moins il était en vie et c’est ce qui compte le plus pour moi.
J’ai tiré un trait sur tout ça à ma sortie. Le gang, le Brésil. Je suis parti vivre chez ma tante à Los Angeles qui m’a hebergé le temps que je fasse des études d’infirmier. J’ai fait des petits boulots à côté pour l’aider à tout payer. Ça a été un nouveau départ pour moi, j’ai arrêté de survivre pour vivre. J’ai toujours peur que mon passé refasse surface un jour, mais je n’ai pas envie de m’empêcher de revivre. A ce jour je n’ai toujours pas recroisé l’homme dont je suis toujours amoureux, il n’y a jamais eu que lui et il n’y aura jamais que lui. |