Et plouf ! ▬ ft. Juan

C’est une belle journée. Après la pause déjeuner où j’ai ramené un Astrée un peu bougon à l’école, j’ai même décidé d’aller me promener un peu au bord de l’eau. À force de rester devant mon pc à travailler, j’ai plus un teint de zombie que d’être vivant. En chemin, j’ai fais l’acquisition d’un sachet de chouquettes et installé sur un banc, j’ai passé un moment à scroller sur les réseaux et dans mes messages. Parmi mes nombreux mails, j’en trouve un de mon chef me demandant de l’appeler au plus vite. Message datant d’il y a trois jours. Oups, la boulette. Je remet mon goûter dans mon sac à dos et compose le numéro que je connais par cœur. Je pourrais le rentrer dans mon répertoire hein, mais j’estime que comme ça, je fais travailler ma mémoire.

— Oui Brandon ? Oui je sais, désolé, je viens juste de voir ton message. comme souvent, mon boss se paie ma tête et me demande si j’ai perdu le fil du temps à force de bosser. Apparemment, Erik lui a fait le même coup pas plus tard que la semaine dernière. Oui, j’ai juste besoin de retoucher des trucs et… hein ? Dans deux jours ?!

Une montée d’angoisse dans ma poitrine. Il veut que je sois dans deux jours au ranch ? Comment vais-je trouver quelqu’un pour garder Astrée aussi rapidement ? Les enfants sont interdits là-bas et de toute façon, je ne prendrai pas le risque de l’y emmener. L’autre fois, Tom, un collègue, a fini à l’hosto donc un enfant ? Le mien surtout ? NON.

— Non non, attend, je peux pas ! J’sais que quand j’ai commencé, j’ai dis que j’venais au premier appel mais j’ai un gosse. D’accord. D’accord. Écoute, j’vais faire de mon mieux mais sinon, faudra que tu trouves un moyen de faire garder Astrée là-bas.[…] Non pas au ranch bien sûr ! Écoute je…

Ma phrase ne se termine pas, un splash se fait entendre et je réalise que je me prend un ballon d’eau à la tronche. Surpris, je le suis encore plus quelques secondes plus tard. En effet, j’ai trébuché en arrière quand le projectile m’a frappé et maintenant, je bascule en arrière. Pas dramatique en soi. Sauf que ma chute, elle se fini par une sensation glacée. Un cri, j’ouvre la bouche en grand mais l’eau s’engouffre dedans et me fait tousser tandis que je me débat. Ma main trouve un truc auquel je m’accroche avec force. Putain, je ne sais pas nager et je suis à l’eau… aussitôt, mes pensées vont vers Astrée. J’dois rester à la surface, il ne peut pas se retrouver tout seul.

— À… À l’aide ! que je cris entre deux goulées que je recrache aussitôt. Si je trouve le con qui m’a lancé ce ballon, je le tue !

Voilà pourquoi je préfère éviter les sorties dans les endroits fréquentés. Ou en tout cas qui ne sont pas clos. S’il doit arriver une connerie à quelqu’un, ce sera pour ma pomme. En plus de ne pas savoir nager, j’ai une peur panique de l’eau. Enfin… cette frayeur s’en irait sans doute si je savais nager justement sauf que là… mes pieds ne touchent rien. Note à moi-même, payer des cours de natations à mon fils. Qu’il ne subisse pas ça aussi. Plongé dans ma panique, je met un moment à enregistrer que quelqu’un est là, s’est jeté à l’eau pour venir m’aider. Malgré mes instincts hurlant de me débattre, une part de moi se résonne. Ne pas bouger, pour ne pas risquer de noyer l’homme venu m’aider. Est-ce que c’est comme ça que se sent un lapin face au canon d’un fusil ? Arrivé au bord, je ne me fais pas prier pour m’accrocher comme si ma vie en dépendait – ce qui est le cas – et lance un regard paniqué à celui qui est venu m’aider. Il ne va pas s’éloigner, hein ? Puis j’ai avalé combien de flotte pour en cracher autant là ? Beurk, elle doit être dégueulasse cette eau en plus. Si je ne choppe pas une saloperie, ce sera un miracle.

— Je… merci. j’arrive à articuler ça, et je sais qu’une fois que nous serons en sécurité, le pauvre gars risque de me voir le remercier plus encore. De l’argent ? Des cadeaux ? Il pourra sans doute me demander ce qu’il veut, en échange de ma survie. Comment aurait réagit ma famille, si on avait retrouvé mon corps sans vie ici ? Mieux valait ne pas y penser, pas vrai ?

Bien que la pierre du rivage glisse, que mes phalanges soient blanches, je m’accroche encore et encore, longeant le bord dans l’espoir de trouver un endroit sur lequel me hisser en attendant une meilleure solution. Un rapide coup d’œil me fait regarder le canard et un frisson me fait frémir. J’vais jeter mon canard en plastique à la maison… je ne veux plus jamais poser les yeux sur cette bestiole.

— Ça v-vous arrive s-souvent… de sauver des… des cons q-qui savent p-pas nager ? Parler me change les idées, même si je n’oublie pas qu’il y a beaucoup trop d’eau sous mes pieds.