alaric, le journaliste nature

J'ai l'habitude d'écrire des articles pour parler des plus merveilleux endroits de la planète, mais beaucoup moins de moi, je l'admets. Qu'est-ce que je pourrais bien vous dire ? Je suis né ici même à Los Angeles. Je suis l'aîné de ma fratrie. On est trois enfants, enfin, on était trois. Aaron est né cinq ans après mois, six ans plus tard encore ma petite sœur Amber a pointé le bout de son nez. On était plutôt heureux tous les cinq. Ma mère m'a vite transmise son amour pour les photos, du coup, je tapais un peu sur les nerfs de tout le monde à prendre des photos de tout et n'importe quoi. À ce jour, je suis heureux d'avoir toutes ces photos pour me rappeler tout un tas de souvenirs. Je regrette de ne pas en avoir pris plus de mon frère. Aaron nous a quittés à l'âge de douze ans, subitement. Après une banale blessure au football, il a pris un simple coup dans les côtes, rien ne présagé que ça avait causé d'importants dégâts à cause de son hémophilie. C'est comme ça que nous avons découvert le triste fardeau des Adams. L'hémophilie. Transmise par nos ascendants de part nos gènes et se déclenchant uniquement chez les sujets masculins. Les femmes transmettent le gène à leurs enfants, mais ne le déclenche pas. Ça a déjà été un soulagement pour moi, je n'avais pas envie de perdre ma sœur de la même manière. Vivre avec ça a été beaucoup plus dur. Perdre un frère, ça l'est déjà, surtout quand on est en pleine adolescence, mais apprendre qu'on peut finir de la même manière à tout moment, c'est effrayant.

Pendant un an, j'ai fait attention à tout, à chaque instant. J'avais peur de me cogner, de me couper. Je n'osais rien faire et c'était très compliqué. Les autres enfants ne comprenaient pas pourquoi je ne voulais pas jouer avec eux. Je passais mon temps à faire des photos, à lire dans ma chambre aussi beaucoup. Je faisais déjà des carnets de voyages, répertoriant les plus beaux lieux où j'aimerais un jour aller. Puis un jour, j'ai fini par me dire que je ne pouvais pas vivre comme ça, ce n'était pas possible. J'allais peut-être gâcher ma vie à attendre le déclenchement d'un gène qui peut être ne se déclencherait jamais. La peur n'a jamais vraiment disparu, j'y pense souvent, mais c'est bien loin dans mes priorités. J'ai fait des études de journalisme et de photographie. Récompensé assez tôt pour mes photos d'ailleurs, notamment celle d'un orage que j'avais pu capturer une nuit dans la vallée de San Fernando, un grand orage, magnifique. J'ai rapidement trouvé un boulot grâce à ça, aux Los Angeles  Time où je suis devenu reporter. après quelques mois, j'ai fait mon premier voyage et ça a été le premier d'une très longue série. Je pars presque la moitié de l'année, souvent avec un simple sac à dos et mes appareils photos. J'ai un compte Instagram sur lequel je poste quasiment tous les jours quand je suis en voyage, je ne suis pas un grand fan des technologies, mais malheureusement, on ne peut plus vraiment s'en passer si on veut que son travail soit connu.

Malgré la distance, j'ai toujours essayé de rester proche de ma famille, de ma sœur surtout. Elle a eu des problèmes avec son mari, ce salopard la frappée parce qu'elle n'arrivait pas à lui faire d'enfant. Elle m'a longtemps demandé de ne pas m'en mêler, alors je ne l'ai pas fait, mais je suis resté dans les parages durant cette période, remettant le beau-frère à sa place quand j'étais là au besoin. Elle a fini par s'en séparer et ça a été un soulagement. Je l'ai hébergé quelques mois le temps qu'elle se remette. Ma vie a continué de la même manière pendant plusieurs années, voyages, articles. Ma sœur expose même mes photos dans sa galerie régulièrement, ça m'a aidé à me faire un nom dans le métier. Mon dernier voyage a bien failli me couter la vie. J'ai passé plusieurs mois au Népal, dans les montagnes. C'était magnifique, purifiant. Je suis très bon en alpinisme, en escalade et en survie en général d'ailleurs. C'est ce qui m'a sauvé la vie quand j'ai fait mon détour par la Thaïlande avant de rentrer. J'étais en train de sortir de mon hôtel quand la vague est arrivée. Un tsunami gigantesque qui a tout balayé sur son passage. J'ai vu ma vie défilée, à plusieurs reprises. Ça a été les heures les plus longues de ma vie a essayé de rester à la surface alors que j'étais aspiré par le fond. J'ai eu quelques blessures, des contusions, un léger trauma crânien, deux côtes cassées. Mais au moins j'étais vivant. J'ai vu bon nombre de cadavres ce jour-là et ceux qui ont suivi. Une vision d'horreur que je n'oublierai jamais comme ce mur d'eau s'approchant à vive allure. J'ai été rapatrié à Los Angeles il y a deux mois maintenant, je me remets de mes blessures, mais psychologiquement, c'est difficile. J'ai un long chemin qui m'attend pour espérer retrouvé une vie normale.