L'urgence des retrouvailles - FT Esteban

Tu sais que le début d'une journée ne se passe pas comme prévue quand t'es malade rien qu'à l'idée de laisser ta fille se faire garder par une nounou pour aller travailler. La nuit a été horrible, des pleurs, et du stress de ta part surtout. Depuis quatre heure du matin, ta fille, Panam, ne se repose pas. T'as beau faire tout ce que tu veux pour la calmer, impossible, et elle ne veut pas manger non plus. Alors, tu as appelé ton boulot pour dire que tu pouvais pas venir. Le bout de chou est malade, et elle est devenue ta priorité alors même qu'intérieurement, tu étais sûre que tu ne pourrais jamais t'attacher à quelconque enfants, et encore moins le tien, un accident, un cheveu sur une soupe. Panam était devenue ton monde en moins de temps qu'il faut, et sans crier gare en plus de ca.

La journée a tout autant été catastrophique. Fatiguée, tu gardais ta petite puce dans tes bras, elle régurgitait tout ce qu'elle avalait. Ca te faisait vraiment mal, et malgré tous les conseils que ta madre t'a donné, la fièvre ne descendit pas. Le meilleur, ce fut quand l'appel au pédiatre fut infructueux, en vacance. Sans numéro vers un collègue ou quoique ce soit. Super franchement. Tu ne cherchas pas plus loin, et tu décidas d'aller aux urgences. T'aimes pas vraiment y aller. Tes papiers sont un peu louche, et même si Panam est né ici, tu as toujours cette peur d'être séparé d'elle a cause de ta provenance à toi.
Tu enregistres Panam, et on te fait attendre dans une salle, plus convenable pour une maman et sa bambin qui pleure h24 comme maintenant. Ca dérange moins les gens, c'est sûr, et tu te sens redevable de cette petite attention. On te dit que Mr. Galvez va bientot arriver. Tu fronces un peu les sourcils. L'infirmière ne s'est pas trompé entre le nom du medecin et patient ? Après, c'est pas comme si toi et ta mère etiez les seuls portant ce nom de famille en sommes. Mais ça t'a un peu surpris sur le coup. Tu poses ta petite dans sa poussette, elle s'est un peu calmé, mais reste toujours chaude de fièvre. Alors t'attends... En espérant que ça ira.

Si on t'avait dit un jour que tu allais t'inquiéter pour un petit être aussi fragile que ça, tu n'y aurais pas cru. Tu as toujours été sensible en soit, mais tu avais enfoui tout ces sentiments derrière une carapace que tu projettes face à toi depuis bien trop longtemps. Ca te permet d'éviter la déception, le regret et les remords. En tout cas la plupart du temps. Mais depuis que sans crier gare, tu t'étais ancré dans une vie bien plus réelle, bien plus gentille avec toi, les remparts ont gagné des trous. Et depuis que ta merveille est née, l'écluse s'est abaissée rien que pour elle, laissant passé trop de chose que tu contenais.
Alors oui, t'es inquiète de tout ton être. Depuis qu'elle est petite Panam a une santé malgré tout fragile, mais le pédiatre a toujours été là. Après, il a le droit à des vacances certes. Mais c'était vraiment compliqué de jongler avec ce changement de plan.

Alors le medecin arrive. Tu t'arretes une seconde, puis après un petit bruit grognon de ta petite malade, tu avances avec lui jusqu'à une salle tout en lui rendant sa salutation polie. Cette tête. Ce medecin te perturbe. Non pas que tu ne veux pas qu'il ausculte ta précieuse petite, tu as toute confiance à son jugement. Puis apparemment non, personne ne s'est trompé dans les nom de famille. Vous avez tout bonne le même par la force du hasard. D'une voix qui a du mal a trouver ses mots, granuleuse et rocailleuse tu lui réponds :

Je sais pas vraiment... Depuis la nuit dernière et toute la journée d'aujourd'hui elle pleure sans cesse quasiment, elle fait de la fièvre et ne veut pas boire ni vraiment manger... Je l'ai mise dans une pièce aérée, comme il est conseillé et ça l'a fait dormir une heure tout au plus mais depuis elle ne veut plus rien...

Avec assurance, il arrive a la faire sourire et rire malgré son état. T'es surprise, sûre que rien n'y arriverait. Faut croire qu'il a un talent fou. Elle ose même lui dire son prénom en babillant. "P'nam !" Il est vrai qu'elle a deux ans et demi, mais Panam ne parle pas énormément. Tu ne veux pas la forcer si elle n'en ressent pas le besoin, même si ta mère elle, est impatiente. Elle n'a pas de retard quelconque d'après le pédiatre, c'est juste de la timidité excessive et surement dû a son entourage. Autant dire que tu te sens un peu coupable. Mais il est vrai que tu n'as pas réellement d'amis avec des bambins de son ages, et que souvent, vos discussions dans la maison familiale de son pas tres joyeuse, alors peut etre qu'elle ressent ton inquiétude permanente vis à vis du futur ou tu ne sais quoi dans le genre ?
Par contre, tu cales encore plus quand ton cerveau s'est arreté sur le prénom du medecin. Esteban, comme ton grand frère. Encore un hasard des plus douloureux ? Son visage lui ressemble. Mais bon, la dernière fois que tu l'a vu, il était en milieu d'adolescence, et surtout t'avais dix ans. T'étais gamine, et ca fait déjà plus de vingt six ans. Tu ne t'avances pas sur cette idée farfelue que tu puisses retrouver un membre de ta famille après des années. Même si, physiquement, tu as bien traissaillis. Malgré ça, tu rigoles un peu, jaune, affichant une mine quelque peu meurtri. Parce même si t'essaye de pas y penser, d'éviter de te souvenir des souvenirs d'enfance, ça fait toujours autant mal.

C'est aussi le nom de mon grand frère. Le hasard est douteux par moment tout de même...

T'avais pas besoin de ces souvenirs parasitant ton esprit en ce moment .